Entretien avec Mélanie Dumesnil, médiatrice culturelle au centre culturel Léo Lagrange.
« Ce n’est pas dans les écoles qu’on apprend ce qu’on peut faire de la parole des gens. Ce n’est pas le tout de décréter un atelier culture. »
Quelle est la forme du partenariat avec le Cardan ?
M.D. On travaille avec Mélinda depuis 10 ans en partenariat en particulier sur le quartier Saint-Maurice. On participe aussi au groupe Culture avec Luiz et Jean-Christophe. Le groupe culture est un outil qui nous semble savoir accueillir la parole de l’autre et savoir en faire quelque chose. La mairie a tenu aussi à faire exister ce groupe interquartiers.
Cette expérience fait partie de notre mission d’éducation populaire. On a un travail de proximité avec le quartier Saint-Maurice. Notre but est d’aller vers les habitants pour leur faire partager notre programmation, les faire venir dans un lieu qui est situé en centre-ville.
Comment a-t-il démarré ?
M.D. Il y a dix ans quand je suis arrivée à Léo Lagrange, on m’a très vite parlé de Mélinda qui faisait des bibliothèques de rue. Ça n’a pas été simple d’avoir accès à elle. Il a fallu gagner sa confiance. Une fois que nous nous sommes rencontrées, nous sommes tombées d’accord sur le fond et sur la forme de la démarche. Nous nous sommes apprivoisées et nous sommes devenues un relais d’informations mutuel. C’est là que nous avons lancé l’éveil musical. Nous, on apportait la prof de musique et elle amenait les parents et les enfants. Elle a un contact privilégié avec les parents dès la salle d’attente de la PMI où elle intervient. L’atelier, c’est un temps à part avec une prof de piano, une animatrice et tous les parents et les enfants. Mais il y a aussi les assistantes maternelles. En plus de cela, il y a l’atelier contes et tartines, qui est pour moi, une sorte de première étape pour aller vers l’éveil musical. Il y a ensuite des événements plus ponctuels, à la Pépinière, à partir de thématiques, des textes et de projets menés par Mélinda.
Pensez-vous être imprégnée des méthodes du Cardan dans votre pratique à Léo Lagrange ?
M.D. En fait, on a chacune des compétences et l’on se fait mutuellement confiance. Pour nous, le livre est un prétexte pour le reste (l’accès aux spectacles, à la musique) alors que pour Mélinda c’est le reste qui est une excuse pour amener le public vers le livre. Mélinda nous fait partager ses pratiques et ses compétences. Elle connaît beaucoup de familles et les familles ont une grande confiance en elle. Elle nous a toujours présenté des familles. On arrive ainsi à se faire connaître, à proposer aux parents d’inscrire leurs enfants à des cours de musique ou de danse… Mais oui, j’ai appris beaucoup en observant Mélinda et sa façon d’aborder le public. J’ai aussi appris au contact de Jean-Christophe avec le groupe culture.
Vous avez donc appris des méthodes des salariés du Cardan ?
M.D. Oui, en fait, j’ai appris de leurs méthodes. Ce n’est pas dans les écoles qu’on apprend ce qu’on peut faire de la parole des gens. Ce n’est pas le tout de décréter un atelier culture. Encore faut-il pouvoir donner une réponse aux gens sur leur vécu. Sur ce qu’ils racontent. On n’a pas toujours de réponse, mais on écoute et c’est déjà beaucoup. Permettre un espace de parole, c’est essentiel.
Le temps partagé avec les salariés du Cardan pour faire des bilans des actions vous semble-t-il suffisant ?
M.D. Combien de fois nous sommes-nous retrouvées pour déjeuner ensemble et pour discuter de notions avec Mélinda ? Beaucoup de fois ! On se retrouve et c’est un moment agréable. Bien sûr, il y a des moments où c’est plus difficile de se voir parce que chacun est pris dans le tourbillon des activités. Mais nos temps de rencontres qu’ils soient formels, informels et même amicaux, sont extrêmement efficaces. Parfois, on échange sur des tonnes de propositions et l’on en réalise un peu moins au final (rires), mais c’est toujours très positif. Notre préoccupation, c’est que les projets puissent convenir aux deux structures. Les échanges se font assez naturellement.
Pensez-vous que le Cardan s’adapte suffisamment aux demandes du public ?
M.D. L’improvisation n’est pas simple. C’est important d’arriver avec des projets qui tiennent la route, mais il est arrivé que des parents fassent des demandes bien spécifiques et qu’on essaie d’y répondre au mieux. Nous ne sommes pas très nombreux au quartier Saint-Maurice, mais notre ancrage et nos liens avec le public sont forts. Justement, on est peu nombreux et cela nous oblige à travailler ensemble pour être le plus efficaces possible.
Quel est l’impact de l’intervention du Cardan dans le quartier ?
M.D. L’impact est toujours difficile à quantifier. Mais j’ai en tête l’exemple d’une petite fille qui a suivi l’éveil musical au quartier Saint-Maurice et qui aujourd’hui suit les cours de violoncelle à Léo Lagrange. C’est non seulement une ouverture culturelle, mais aussi une ouverture géographique. C’est venir en centre-ville et sortir de son quartier. C’est faire tomber des frontières imaginaires.